Un shimbirroo (oiseau) s’est posé sur ma poésie
J’entends encore ses ailes battre en brèche la nuit,
Un soldat attendait une jeune fille en robe bleue
Le ciel a gelé au-dessus des grands lacs du Rift Ethiopien
Les poètes sont esclaves du soleil,
Chaque jour ils servent à leur maître un peu de lumière,
Et quand leurs vers sont obscurs dans une vallée de chagrin
L’amour leur sert d’alibi pour invoquer la nuit
Mon je vends mes chansons sans scrupule sur la place du marché,
Les enfants viennent à cheval me dérober mes mots,
Je sais que demain se lèvera comme un animal blessé,
Je serai loin déjà avec ma guitare, à la poursuite de ton cœur blanc
La noirceur des dunes capte le son des étoiles,
Tu n’as qu’un mot à dire et j’arrête mon coursier
Il s’est emballé à la vue de ton ombre, et ses yeux fiévreux
Font danser les herbes, puis il caracole dans le soir brun
Je suis venue d’Asmara pour t’enlever au vent
L’heure faisait trembler la lune dans le rideau de glace du ciel,
J’ai arrêté ma monture, pour qu’elle boive toute l’eau de la nuit,
Un écrivain m’a demandé une sijaaraa (cigarette), je le lui ai tendue
Nous avons conversé comme des amis d’un jour faste,
Puis il a disparu dans des volutes de fumée bleue
Et je crois que le soleil berçait enfin mes prières,
Quand descendue de cheval, interrompant ma vie monotone,
Je me suis remise à écrire une légende de brocard
La pleine lune riait, la lumière de mes mots,
Je l’ai fait coulisser sur le profond noir de l’Olympe
Et le matin aux bras d’argile est venu me redonner espoir
Edana (cette nuit) je me suis coupée avec le papier froid de mes rêves,
Ma plaie s’est infectée, je te regarde à travers un grillage,
Le vent joue avec mes pensées et les jette dans l’air pur
Iftaanis (après-demain) je serai morte, tu m’auras déjà abandonnée
Aux flots de l’oubli, alors ce papier tâché de sang fera fleurir les roches,
Une herbe grandira comme une ombre sous la lune bavarde,
Mon cheval cherchera longtemps les portes de la ville
Jusqu’à ce qu’un nouvel écrivain le prenne par la bride.