Prison centrale de Dhaka, 13 janvier 2021.
Et une fois enfermée… J’ai fait un garrot à la nuit
Les gardiens de la prison me dévisagent. J’ai donné un coup de poing dans le matelas. J’ai hurlé :
« Je suis venue ici pour retrouver la lumière des étoiles ! »
Les autres prisonniers se retournent vers moi.Les questions de mes geôliers se font plus pressantes.
Je me suis agenouillée. J’ai prié en pensant aux arches en forme de lotus de l’église Saint-Paul de Khulna que nous avions visitée avec ta sœur. L’étoile entourée d’un croissant de lune peinte sur le toit semblait une promesse de sérénité, alors.
L’un des gardiens tambourine à la porte pour me dire d’arrêter de crier. Mais qui peut m’en empêcher ? Je hurle son nom. Une des détenues est en train de mourir d’une septicémie, personne ne s’en préoccupe. On entend ses cris résonner eux aussi sur les murs de la prison. J’ai l’impression que la terre tourne, j’ai le vertige. Je commence à oublier mon prénom. Combien de temps ai-je été enfermée ? Deux mois ?
« Donnez-moi une lettre de lui. Qu’il me dise qu’il est fier de moi, parce que j’ai appris sa langue toutes ces années, et que je suis venue mourir dans son pays — ». Mais le matin tombe comme une enclume sur ma nuit sans sommeil. Il ne me reste plus qu’à graver de la poésie dans les murs en pierre jusqu’à ce que mes mains saignent :
J’ai fait un garrot à la nuit
Avec le coton des nuages
J’étais à genoux, éblouie
Le soleil m’a craché au visage
Le paysage tombe en poussière,
Le train file dans la campagne,
Je me suis blessé avec la lumière
Je crois bien que l’obscurité saigne
J’ai tenu la main de la nuit
Pendant qu’elle se vidait de son feu
Le vent me faisait un pont j’ai souri
Il n’y avait plus en vie que nous deux
Les étoiles se décomposent
En un milliers d’éclats de verre
Le sol en est jonché, l’apothéose
Aura lieu un jour de prière
Le testament de la nuit en main,
Je marche dans Paris éclairée et blême
L’obscurité est mon destin
Et le ciel pleure des chrysanthèmes