Le bleu qui donne à nos couleurs sa respectabilité
Se promenait le long des nuages blonds d’été
Adossé à la roche, il coulait bon enfant
Ses jours en maquillant la terre de lacs et d’océans
Quand la jeune grecque, debout sur la ravine
Fit couler le sang en arrachant une mèche divine
De ses cheveux ; et puis se jeta dans le vide.
Depuis lors la terre est plongée dans une nuit livide
Le crime purpurin enflamme l’azuréenne pureté
Emprisonne le ciel dans une teinte enivrée
Les philosophes trempant leurs Barbès dans l’écume des jours
Ont certes cherché longtemps à laver le bleu de toute opprobre
Cette teinte entre terre et enfer plus vive que l’or, qu’enfin,
On nomme imprudemment incarnat ou carmin
Ils usèrent de leur voix pour ordonner au rouge
De retourner loger dans l’enfer qui le vit comme en un bouge.
Concevoir — Moi des années plus tard, peinée par un amant,
J’ai cherché ce même précipice pour m’y jeter avant
C’est alors que j’ai vu dans les violettes mânes
Disparaître le bleu de la nuit océane
Je me suis jetée comme une lueur, chahutée par le soir
Le ciel prenait une teinte jaune, malade de me voir
Soudain plonger au fond de la couleur de nos âmes
Et mon coeur se souvient d’un azuréen drama