The newcomer FR 1

Je marchais la tête basse, le cœur lassé de tout, même de la vue des montagnes bleues, sur lesquelles, au loin, un soleil d’hiver faisait rejaillir toute sa magie et sa pureté. Dans ma main, un bâton me donnait l’impression de serrer un peu d’humanité. Je lançai le bâton sur un bosquet de fleurs violettes. Le soleil faisait rougir les pétales. J’avançais comme un train, lâché à pleine vitesse dans l’existence. La lune décroissait, le matin donnait à mon regard un éclat scintillant. Je n’avais pas encore quitté la ville. Elle s’éveillait de tous côtés. Un marchand m’alpaguait dans une langue que je ne reconnaissais plus. Je voulus lui répondre, mais ma voix se heurta au silence. Ma main en visière, je vis une ombre survoler la lune d’hiver. Il me fallait encore parcourir plusieurs kilomètres avant de me fondre dans la plénitude de l’oubli. Quelques heures plus tard, les pieds en sang, j’arrivai à l’orée de la ville, au début de toutes choses. Là où mon cœur avait commencé de battre. Ses cils se levaient dans ma conscience comme la toile d’un parasol sous le vent.

Je me léchai les lèvres. Dans le ciel, les nuages avaient pris la forme de la poitrine d’une femme. Elle se soulevait au fur et à mesure que je marchais vers la rivière puis soudain, les nuages se dissipèrent. Voir l’éclat unique du ciel, sans aucune ombre, me fit l’effet d’un coup de poing et je m’allongeai à terre. Quand je me réveillai, je portai une main à mes joues. La brûlure du soleil les faisait presque saigner. Je me remis debout et marchai encore en vacillant. Les nuages s’amassaient au-dessus de moi comme des pensées désordonnées, le soleil cédait son emprise à une après-midi pluvieuse. Il me semblait que si je tendais la main, des étoiles apparaitraient et me montreraient le chemin vers Dieu.

Mais de Dieu, je n’en avais plus, depuis que l’amour avait déserté ma vie. J’étais debout en plein milieu de la marée de mes souvenirs. Je voyais la femme de ma vie tendre vers moi son corps brûlant. Ses cheveux s’entrelaçaient aux courbes du vent et lui donnaient son contour. Un tribunal d’âmes sèches brandissaient leurs voix rauques vers moi. Ils m’accusaient d’avoir écrit un roman d’amour sur une femme mariée, que j’avais aimé toute ma vie durant.

 Je continuai mon chemin sous la pluie. Le soleil contournait chaque goutte, comme un serpent de lumière. Je réfléchissais à l’amour, qui fait de nous des hommes, et qui nous met à terre. La terre devenait de la boue, et mes pensées dégoulinaient comme un filet de sang dans mon cerveau brûlé par la chaleur. Je ne m’arrêtai de marcher qu’à la nuit. Alors, les lumières de la ville noyaient le ciel pluvieux de leur scintillement opaque. Je m’agenouillai au milieu du pont. Quelques cabriolets ralentirent à ma hauteur. Une vitre se baissa, je vis le visage en demi-lune d’une belle femme et son vêtement rouge éclairé par une longue étole argentée ; mais je demeurai mutique. Il me fallait chuchoter au vent ce que les hommes ne comprenaient pas. Je fermai les yeux en m’appuyant fermement sous la pluie à la balustrade du pont. Le soleil explosait au travers des gouttes. Je caressai mon col en pensant à son corps blanc suspendu dans le silence par les lumières du soleil frais.

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