Il s’est assis à côté de moi sur le port
Les lumières des cargos me faisaient mal aux yeux
J’ai espéré qu’il meure et qu’il me laisse libre de ma vie
Je me suis levée, il m’a pris la main, et m’a poussée violemment dans l’eau froide
Je nageais encore au milieu des bouteilles de vodka et des feuilles
Quand un éclair a fusé dans le ciel comme un coup de foudre,
Il m’a aidée à me relever, mes vêtements trempés collaient à ma peau
Je sais que souvent on donne à la poésie
Une silhouette féminine
Mais c’est l’ombre d’un homme qui jusque là avait accompagné mon destin
Qui venait de me pousser dans l’eau froide
Pour me pousser à écrire sur le quai du port
De meilleurs vers,
A la lumière des cargos remplis de touristes
Des vers qui s’élèveront jusqu’aux étoiles,
Pour créer une nouvelle religion pour le vide stellaire
Un asile pour les oiseaux hallucinés par le vent
Il s’est assis à côté de moi sur le port – Je sais
Qu’on donne à la poésie souvent
Un regard empli de grâce et de volupté
Mais son rire bruyant, ses épaules, sa soif de guerre et de gloire,
Etaient celles d’un homme.
L’éclair de tout à l’heure avait fait danser les flammes
Sur le pont d’un des plus grands bateaux
Je me suis jetée à l’eau en oubliant la poésie
Pour aider les survivants à rejoindre la côte
Je me suis brûlée et le sang a rejoint les filets d’eau verts sombre
Qui coulaient de part et d’autre des cordages brillants.
La poésie n’a pas bougé, il me regardait de loin
Comme un daim attend la venue du matin,
En silence et sans prendre part à la réalité
J’ai craché sur une vague, et Dieu a lancé du ciel
De nouveaux éclairs qui ont brisé la coque du navire ;
Il s’enfonçait dans les tréfonds ; tous avaient quitté le pont.
Je suis restée seule enveloppée par les nuages.
La poésie debout sur le quai me regardait sombrer
Les survivants emmitouflés rejoignaient d’autres tombeaux
Dans des villes plus clinquantes encore que l’amour
Une musique emplissait les nuages qui descendaient sur l’eau sombre.
Alors quand j’allais toucher la crête d’une vague,
Il a plongé pour me récupérer, et m’a ramenée sur le port
Nous avons regardé main dans la main l’épave de la réalité s’enfoncer dans l’eau glacée
Il m’a tendu une feuille de papier, et j’ai écrit jusqu’au matin