Les palombes volent trop haut, les chasseurs
Tirent en vain sur les nuages épars
J’ai couru sans but sur le chemin de Hunter’s Hill
Le vent me poussait comme un ami dans le dos
Les mûres ont saigné entre mes doigts pâles
J’ai admiré le lac de l’île, son eau verdâtre
Les roches sur lesquelles coulaient un filet de lumière
J’ai marché sur les traces de l’été
L’automne coulissait entre les branches des arbres
Et l’hiver soufflait son haleine sur nos joues fraîches
Un chien a aboyé, des enfants jouaient au frisbee
Ces gens avaient l’air heureux, et je suis restée muette
Le ciel était écartelé entre le soleil et la blancheur des nuages
Dans mon cœur un pétale noir se décrocha de la tige de mes rêves
Pour venir se poser sur la glace du lac,
Je me suis avancée comme un spectre pour le ramasser
Mais les enfants avaient déjà chaussé leurs patins
Et s’amusaient tout autour de moi
Alors j’ai levé mes bras vers un chêne immobile
Je lui ai demandé de me laisser entrevoir l’avenir
Mais ni lui ni Dieu ne m’ont répondu. Je suis restée debout
A attendre que le soleil décline, à attendre que le soir
Fasse un berceau de lumière rosée aux villas du parc
J’ai marché entre les grillages dorés sans autre destin que le point du jour
Jamais je n’avais connu un tel sentiment d’abandon à la lueur du jour
Jamais je n’avais vu tant de gens heureux, et pourtant,
Dans ce parc, au bord de ce lac, alors que tournoyaient les heures du pressentiment
Comme tournoient les âmes autour du bonheur vain
Debout devant le lac gelé, alors que l’été n’était plus qu’un lointain souvenir
J’ai plissé les yeux et il m’a semblé qu’au bout de la nuit
Une lueur s’amoncelait à la cime des arbres
Et prenait forme humaine, et me rappelait celui qui
Un jour d’été me prit la main alors que les heures s’évanouissaient
Dans la tendresse de l’amour, alors le lac n’avait pas gelé
Les palombes volaient bas, et les enfants dormaient
J’étais jeune alors et l’été rayonnait.