Quatre ans avant la candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle française, en avril 2017, le gouvernement chinois interdit l’adoption de 29 prénoms musulmans par les Ouïghours, dont Mohammed, sous peine de se voir refuser le livret de famille (hukou).
J’ai perdu mon prénom
Sur les rives du lac Balkhach
Le train est rempli des fantômes de la Horde d’or
Des mandarines sont tombées d’un camion
Je marche sur une route incertaine
Dans un avenir vacillant
Je me cherche un nouveau prénom
Sera-ce
Arzu – L’espoir du jour qui se lève ?
Azab – La douleur incommensurable ?
Asman – Le ciel sans miséricorde
εstayidil – Le vol consciencieux des oiseaux ?
εrkinlink – La liberté achetée au marché noir ?
Boran-chapqun – La tempête qui se lève sur le désert du Taklamakan ?
Bicharε – Le misérable, les genoux dans le sable.
Tεqdir – La destinée en volutes de fumée roses
Tεlεylik – Le chanceux les mains dans les poches
Tirishchan – Le courageux les mains dans le cambouis
Tilεmchi – Le mendiant les mains tendues
Yara – La cicatrice sur des mains frappées, meurtries
Yatlishish – Devenir étranger dans son propre pays
Héligεr – L’escroc, celui qui est vu comme un voleur par tous
Urush – La guerre menace, elle frappe aux portes
Judun – La tempête de neige couve
Düshmεn – L’ennemi national
Zar – La mélancolie dans les yeux de ma femme
Sadaqεt – La fidélité à notre langue
Sirliq – La musique, et ce reflet mystérieux de la culture
Shirkεt – La société ses mains sur notre cou
Shiwirghan – Le blizzard qui gronde au-dessus du lac Tianchi
Yurt – La patrie disparue sous les rafles
Uwal – L’injustice en caractères d’imprimerie jaunis
Ümüt – L’espoir, demain à Yarkand un ciel de crystal
Iman – La foi que je n’ai pas perdue
Aucun de ces noms ne me convient.
La neige a maculé mes cils froids
J’ai pris comme nom yazghuchi, l’écrivain
Je ne l’ai murmuré qu’une seule foi, pour moi seul
En traçant chaque prénom de ma liste,
Personne ne doit connaître ce nom
Je ne m’appelle pas
Mon prénom est comme la neige,
Il fond sous la chaleur des bottes militaires
La porte de la cité antique de Yarkand est restée ouverte
Le ciel n’a pas bougé, les étoiles resplendissent
Je promène chacun des prénoms de ma liste
En vagabondant entre mes compatriotes blessés
Comme un oiseau dans le blizzard