Je suis parti en voyage
Dans des jardins entourés de murs de torchis
J’ai touché des abricotiers des pommiers et des mûriers
Mon pistolet dans un holster d’épaule
Ma jambe artificielle me ralentissait
Je portais une gabardine cintrée et une toque en astrakan
Mon kunya (nom de guerre) avait le son de la neige
Lorsqu’elle tombe sur les cimes
Un rafale s’était envolé du porte-avion
Un coupé frémissait dans un grondement de moteur
Dans une rue anonyme du quartier de Shasdarak
Les ampoules au tungstène explosaient une à une
Un verre de lait de chèvre
Une odeur de pin des montagnes
AK47 à l’épaule mon hôte s’impatientait
Le ciel de cobalt couvrait d’ombre son regard
Un bout de ciel étoilé depuis l’enfer
La vue sur les toits de Kaboul
Deux femmes de la brigade al-Khansaa (police des mœurs de Daech)
M’ont soutenu que la lune est en fer forgé
Je leur ai répondu en sifflant, en imitant
Le bêlement des moutons sous les étoiles
Le chant d’un luth me parvient depuis le ciel,
J’attends la mort comme une délivrance
Un pick-up Ranger au check-point
Affiche les stigmates des balles
Les systèmes d’irrigation des vergers
Humidifient la terre loin à l’est de Kaboul
La vitre avant a explosé sous les tirs
Le tableau de bord est maculé de sang
Une douille de .9mm git à terre
Nous avions loué dix hommes et leurs mitrailleuses
Le chef de village était allé chercher le thé
Les récoltes avaient été mauvaise
Il pleuvait des cadavres d’oiseaux noirs
Le monde s’était désincarné
Ah ! Egorger le matin chaud
Le verser dans mon verre de cristal
Serrer la main d’une femme sans nom
Un jour de bataille contre le vent
J’ai jeté des pétales de jasmin frais
En direction de la Mecque
Ma vieille Clio désossée
Espérait sous les éclats d’obus
Les minigrenades flash-bang
Les tirs en rafale sur les herbes
La mort est une marchandise de contrebande
J’ai fermé les yeux, le silence m’a grisé un instant