A Curaçao l’une des îles sous le vent le strena (tonnerre) gronde
Et l’océan se dévoile comme un écran de cinéma
Les vagues sont les actrices les plus sincères de la planète
Je vais sauter dans le film et embrasser l’écume de mon corps
Le Christoffelberg culmine à 375 mètres sous les étoiles
La neige tombe sur l’océan
J’entends ta voix comme un cyclone
Ton absence a glacé la mer des Caraïbes
La nuit tombe comme un manteca (beurre) que j’aurais fait fondre
Les nuages s’enfoncent dans l’obscurité – on entend un chant de guerre
Tu vois ce brug (pont) à l’horizon, il a pris feu
Il se confond avec la lumière qui transperce le soir
Ki pelicula ta hunga awe? (Quel film passe-t-on aujourd’hui ?)
J’ai rencontré un ami, il m’a tendu un stylo en riant
Il m’a dit d’écrire ce poème en regardant le film de ma vie,
Den caya (dans la ville) les lumières s’éteignent,
Une adolescente a écrasé son rouge à lèvre contre la vitre de ma voiture
Je vais serrer mon encrier si fort qu’il fera pleurer les lacs salés des Salinas
Mias les nuages m’étouffent, je ne peux plus écrire,
Je me suis trompé de ville,
Ban kas (rentrons chez nous) avant que l’obscurité nous avale,
J’ai torréfié le temps je vais en faire couler le lait dans ton café, mi dushii (mon amour)
Devant un botica (kiosque), un chien gémit, un mendiant s’endort
Ses rêves ont agrippé mon bras comme un mauvais sort
Je suis ivre je veux ranka lenga (rouler une pelle) à une étoile
Elles sont si lointaines, et pourtant leur lumière s’est infiltrée dans mes larmes
Elles sont si belles, et l’hiver est si lumineux
Bin aki (viens ici), tu vois cette fleur que j’ai arrachée dans un jardin d’oranges amères
Le fantôme d’un soldat me l’a volée à Oranjestad, avant que je te l’offre
Je vois son cheval s’effacer dans la brume, sa légende
Se respire dans l’air froid de décembre
Ban goza (profitons) du vent des Caraïbes
Sa fraicheur secoue le rideau de pluie —
Un ami m’a dit d’écrire ce poème en regardant le film de ma vie
Mais ki pelicula ta hunga awe (Mais quel film passe-t-on aujourd’hui ?)
Je crois que je me suis trompée de salle de cinéma