Je suis le contrôleur du ciel

Je suis le contrôleur du ciel. Les amantes viennent me trouver. Je suis perché sur la montagne des songes, les yeux rivés sur l’horizon. Elles me demandent d’écarter les nuages pour mieux voir le visage de leur amant. Il arrive que la silhouette de l’une d’elle soit pressée, ses mains bouffies, son teint rougeaud. Ce sont les amoureuses éconduites, et je les préfère à toutes les fleurs de ma montagne. Je leur tend la main droite et elles se hissent sur le promontoire violet, à mes côtés. Leurs larmes tombent sur la terre arable. Ce sont les amoureuses éplorées de la montagne. En règle générales, je les aime bien car elles ne me font aucune demande. Elles se contentent de fixer le vent. Parfois, l’une d’elle se lève, fait quelques pas derrière moi. C’est qu’elle a aperçu le sourire de quelque ancien amant volage dans l’obscurité.

Je suis le contrôleur du ciel. Juché sur ma montagne, à la tombée de la nuit, j’entends les chouettes me donner le décompte des femmes esseulées qui ont gravi le sentier du bord de lune jusqu’à moi. Le soleil n’est pas mon ami. Il me fait les yeux ronds en disparaissant derrière les clairières des songes. De vent humecté de larmes s’infiltre derrière mes grosses oreilles. Une première femme, ombrelle violette à la main droite, s’avance jusqu’à moi. Je lui tends la main. Elle entonne une chanson, certainement l’hymne de son pays, que son mari devait aimer écouter. Elle chante divinement bien. Je l’écoute un instant, puis je lui prend la main. Nous marchons côte à côte sur les sentiers de la montagnes fleuris d’azalées bleus et de bégonias givrés. Le soir nous enveloppe dans ses mains caressantes.

Je suis le contrôleur du ciel. Je décide du degré d’obscurité de la montagne. Une deuxième femme est venue me trouver ; dans sa main reposait un bouquet de roses fanées. J’ai fait en sorte qu’il neige de longues minutes, puis je l’ai regardée. Elle aussi m’a regardé, et nous nous sommes souris, puis elle a posé le bouquet de roses fanées sur la jeune neige. Son visage à elle était rude, ridé, et hâlé par le soleil. J’ai encore baissé l’obscurité du ciel et je l’ai entraînée par la taille sur les sentiers escarpés de la montagne. Nous avons traversé une baie d’orangers et j’ai appelé la pluie de mes vœux.

Je suis le contrôleur du ciel. Le soleil ne m’apprécie pas, lui qui connait bien mon manège. J’accueille les âmes féminines les plus tristes du pays. Elles m’apportent souvent des présents que je pose sur le bas-côté de la route, puis je les emmène avec moi gravir la montagne. Il me suffit de claquer des doigts pour faire surgir un beau nuage, ou un orage, et je les vois sourire. Une fois notre promenade terminée, quand nous sommes parvenus au bout des orages, au bout des éléments naturels, le précipice prolonge nos regards. Elles se tournent vers moi pour me remercier et je n’ai rien à faire qu’à appeler le vent de mes vœux, lui qui les entraîne dans son sillage obscur, tout au fond du précipice des rêves déçus.

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