Tristoune le loup

Tristoune le loup

Aujourd’hui, c’est le printemps
Tulipes et pâquerettes
Jacinthes et magnolias
Dévoilent leurs vêtements d’apparat
Sous le regard médusé des passants

Le soleil baille et envoie une onde de chaleur
Le vent lui, se tient à carreaux
Quelle belle journée !
Les mésanges sont d’excellente humeur
Il n’y a pas un nuage pour troubler le ciel
Tout le monde semble joyeux

Tout le monde ? Non.
Tristoune le loup est d’un autre avis
Le printemps ? Très peu pour lui
Dame poule sonne à sa porte
« Tristoune, réveille-toi, il est tard
Tu as ta leçon de piano »

Mais Tristoune fait la sourde oreille
Il ne veut pas travailler son solfège
Il veut passer le printemps dans un silence absolu
Sous son édredon moelleux
A dormir, dormir, dormir,
En attendant que la neige revienne

Car Tristoune adore la neige
Il n’aime rien tant que glisser sur la luge
Que ses parents lui ont taillée dans du bois
Il adore les batailles de boules de neige
Mais le printemps a fait fondre la piste de luge
Et l’hiver n’est plus qu’un souvenir

« Eh Tristoune », viens jouer dehors,
Lui lance Domino l’ours brun par la fenêtre
« Tu n’es pas un ours,
Tu n’as pas à hiberner – et de toute manière,
Les ours n’hibernent pas au printemps »,
Commente Domino en se grattant la joue

Quelle excellente idée, constate Tristoune,
Il faut absolument que je devienne un ours
Ainsi, je pourrai dormir tout mon saoul,
Personne n’osera venir me déranger
Plus de solfège – Quelle belle idée !
Il faut que je puisse hiberner

Ni une, ni deux, Tristoune enfile sa cape
Il enfonce son bonnet rouge
Entre ses deux longues oreilles
Il prend un morceau de fromage et du pain
Que ses parents lui ont laissés
Et claque la porte de son terrier

« Comment devient-on un ours ? »,
Se demande Tristoune
Le soleil le regarde d’un air moqueur
Quand tout à coup, comme par magie,
Une pie vient se poser juste devant lui

« Pour devenir un ours », lui dit la pie,
Tu dois aller subtiliser aux abeilles de la forêt
Un gros tonneau de miel
Et le manger avant que la nuit tombe.
Suis mon conseil à la lettre,
Et tu pourras hiberner !

La pie envolée, Tristoune se met en route.
Il traverse le village
De ci, de là, ses amis le hèlent :
« Viens jouer avec nous, Tristoune »
Mais il ne répond pas : il a un but

Devenir un ours vaut bien cette peine
Tristoune a déjà parcouru quelques kilomètres
Quand soudain, la voilà : la forêt enchantée
Tristoune s’éponge le front :
Enfin il est arrivé

Une fois dans la forêt,
Il fait une croix sur les arbres
Partout où les chemins se séparent
Il ne s’agit pas de se perdre.
Mais où trouver les abeilles ?
Et où dénicher leur tonneau de miel ?

Un rocher recouvert de mousse se met à chanter :
Tristoune n’en croit pas ses yeux
Mais il comprend que le rocher s’adresse à lui :
« Parcours encore
4 kilomètres sud, 2 kilomètres nord
Et tu seras fixé sur ton sort »

Tristoune, guidé par le rocher
Trouve enfin la ruche qu’il convoite
Mais il a fait trop de bruit – il est repéré :
La reine abeille se met à voleter autour de lui,
Puis c’est le tour des autres abeilles
Tristoune est encerclé !

Plus moyen de voler du miel
« Que pouvons-nous pour toi, gentil loup »,
Lui demande la reine des abeilles
D’une voix affable et rassurante
« Un tonneau de miel, Mademoiselle »,
Répond le jeune loup
« Je dois devenir un ours aujourd’hui »

« Que nous donne-tu en échange ? »,
Demandent en chœur les abeilles
Tristoune se gratte le menton,
Lui qui ne possède dans son petit baluchon
Qu’un quignon de pain
Et un bout de fromage.

« Si tu nous cédais ton bonnet rouge,
Nous pourrions redécorer notre ruche
Qu’en penses-tu, petits loup ? »
Demande la reine des abeilles
A Tristoune abasourdi
Qui lui tend aussitôt son bonnet.

Assis à côté du tonneau,
Tristoune se remémore les paroles de la pie :
« Pour devenir un ours »,
« Tu dois aller subtiliser aux abeilles de la forêt
Un gros tonneau de miel
Et le manger avant que la nuit tombe. »

Mais voilà que le ciel se teinte de violet,
Les nuages commencent à apparaitre
Quelle heure peut-il bien être ?
Il semble que la nuit s’approche à pas de loup
Pour le plus grand malheur de Tristoune

Qu’à cela ne tienne, le louveteau est bien décidé
A manger le miel jusqu’à la dernière lampée
Et le voilà plongé entièrement dans le tonneau
Seule sa queue en dépasse !

Une heure plus tard, le tonneau est vide !
Tristoune se rend au lac des mille sourires
A l’orée de la forêt
La pie m’a menti, s’offusque Tristoune
En se regardant dans le miroir d’eau
« Je ressemble toujours à un loup »

Penaud, mais le ventre plein,
Tristoune rentre au village
La nuit a enveloppé chaque maison
D’un trait de pinceau noir
En traversant le village pour rentrer chez lui,
Tristoune croise Domino
Qui se frotte contre un arbre

« Te voilà enfin, Tristoune,
Nous t’avons cherché toute la journée
La pie nous a raconté le tour qu’elle t’a joué
Devenir un ours, c’était ton but, vraiment ?
Mais voyons mon ami, c’est impossible ! »

« Je ne souhaite plus devenir un ours,
Répond Tristoune,
J’attendrai patiemment que la neige revienne
En jouant aux quilles avec mes amis
En attendant, je vais aller me coucher
J’ai bu du miel pour toute une vie »

« Non vraiment, conclut Tristoune, 
Être un ours, c’est trop compliqué
Et il faut manger cette pate visqueuse,
Je crois que je suis fait pour être un loup,
Et pour cause : je déteste le miel ».





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