Montenegro 1 (français)

Je ne sais plus quand ce rêve a commencé. J’étais sur la terrasse de l’hôtel, je buvais un Spritz au citron. Tu as pris un taxi à l’aéroport de Podgorica. La route de l’aéroport a de nombreux virages mais tu regardais les vignobles et tu n’as pas eu peur. Je t’ai souri, j’ai jeté mon Spritz par le balcon. Je crois qu’il est tombé sur un chat et tu as froncé les sourcils. Je ne sais plus ce qu’il s’est passé ensuite.

Le jour éclaboussait la place d’armes de Koto, le lion ailé monumental nous regardait. J’avais le vertige mais je n’ai pas lâché ta main une minute, pas même quand la tour de l’horloge s’est faite menaçante. Nous sommes entrés dans la cathédrale, et les ombres dansaient devant les bougies. J’ai regardé les vitraux, une averse tombait déjà dehors, puis, à nouveau, le soleil est revenu nous sourire.

Le soir, le port était noir de monde, alors je t’ai emmené loin de la musique, derrière un arbre. J’ai conduit jusqu’à la vieille ville de Herceg Novi et je t’ai enlacé devant la tour sanguinaire. Longtemps, nous avons attendu que des fantômes viennent ébouriffer nos cheveux. Le soir chutait comme mes cheveux sur tes épaules et nous avons reprit la route.

Le maréchal Tito semblait hanter les esprits des villageois, et l’air était moite. J’ai léché une glace – quel parfum ? Sans doute framboise – et j’en ai mis sur ta chemise mais tu ne l’a pas remarqué. De vieilles dames qui jouaient aux cartes nous regardaient.

La mer s’est enfin déshabillée devant les bateaux étourdis par l’écume et nous avons pris l’un d’eux pour traverser le détroit à Igalo. A Perast, les palais vénitiens nous ont rappelé que la passion n’est pas le seul stigmate de la beauté et que les cieux sont parfois sincères avec ceux qui osent aimer l’art jusqu’à donner leur vie.

J’ai attendu que la nuit tombe pour t’emmener sur la plage de Sveti Stefan. De nombreuses villas chuchotaient, on entendait des verres s’entrechoquer.

Sur le chemin qui mène au port, il y a un mausolée un peu égratigné par le vent. Nous avons dépassé les hôtels de luxe pour grimper sur une colline. Je te suivais, tu marchais un peu vite, tu devenais le vent et j’étais comme une brindille, perdu en toi.

En haut de cette colline, un groupe d’oiseaux noirs nous a chahutés. Le parfum d’une carpe grillée est venu hanter nos narines. D’autres promeneurs remplissaient le tableau pittoresque devant nos yeux.

J’ai cueilli une rose, mais je n’avais pas de vase alors j’ai fait un petit tas de caillou et j’ai éparpillé les pétales dessus.

Le lendemain nous sommes allés nous baigner dans les gorges de la Tara, c’est un canyon plus grand encore que le Colorado, tu sais ? La lumière était envahissante. Les pins parfumaient les gargottes. Des oliveraies avalaient le soleil et le recrachaient en fumées odorantes. J’ai acheté de l’huile à un marchand aveugle,.

Derrière la plage il y avait une ruine, des amants Illyriens ou Slaves ou Turcs sont venus y plonger leurs désirs. J’ai pris ta main et je l’ai posée sur la roche et tu as caressé l’ancienne forteresse, ma main sur la tienne.

Les crimes de l’ère yougoslave ont laissé des traces ici dans les yeux des pécheurs. Pourtant ils nous sourient en jetant leurs filets sur l’eau turquoise. Il n’y a que les édifices flamboyant et modernes qui font mal à la beauté des paysages d’ici.

Ne m’empêche pas d’aller au Casino ce soir, j’aime jouer. Mais je vais te dire un secret, tu es mon joueur préféré et le seul contre lequel j’accepte de tout perdre, la beauté, l’honneur, la littérature. Je t’ai donné mon âme sur le sentier escarpé de la côté adriatique, s’il te plait ne la perd pas en gravissant les mille marches des escaliers d’Herceg Novi qui mènent au paradis.


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