Viens, allons faire rougir ce pays qu’on appelle « la montagne noire » tant il est vallonné. Je t’emmène voir l’horizon blanc depuis le point de vue de Tara. Cours avec moi dans les escaliers, mais ne lâche pas ma main. Si je brûle trop pour toi mon amour, jette-moi dans l’un des vingt lacs glaciaires de cette contrée. Allons dans le massif de Durmitor, nous perdre dans la forêt de Biogradska Gora.
Je vais me changer en oiseau pour traverser avec toi ces paysages de montagnes. Allons danser comme des oiseaux le long du littoral adriatique d’Herceg Novi à Ulcinj à l’est.
Je te vois assise la nuit à ma fenêtre. Je sais qu’un soir tu me parlera, loin de la frontière albanaise, et que tu m’emmènera sur l’une des plus belles montagnes de l’Europe, là où le lynx se cache des hommes.
Allons nager dans le lac de Skadar, attends-moi sur la rive, si tu le souhaites. 273 espèces d’oiseaux survolent le lac l’été mon amour. Le pélican de Dalmatie a l’air un peu idiot, il doit être amoureux de toi. J’ai caressé des yeux les nénuphars et le millier de papillon qui hantent les bords du lac.
Les algues du lac de Skadar cachent de lourds secrets. Mais l’Histoire m’importe peu en cet instant je veux vivre à jamais entre tes cils mouillés. Allons, retournons dans la montagne, tu vois cette edelweiss, plongeons dans le brouillard, la bruyère est une ombre dans la vallée montagneuse.
Les lauriers-roses et les pins d’Alep sur notre gauche, les mimosas qui soulignent la splendeur de l’été sur notre droite. Et ton visage qui caresse l’air étincelant, comme une violette méditerranéenne.
Redescendons dans le village. Sur notre passage, des paysans battent le blé et un jongleur raconte une histoire épouvantable à des enfants qui rient. Les fées se servent du champagne dans les cafés et les télévisions – ne t’arrête pas pour regarder le match, les Monténégrins aiment autant le football que leurs forêts –.
Mon amour je t’emmène sur Sveti Stefan, l’île de luxe imaginée par le maréchal Tito pour la débauche. Volons une moto, pendant que les villageois dansent autour de la croix de Vladimir, fondons-nous dans le vent. Et si toi non plus tu ne sais pas conduire une moto, redevenons des oiseaux pour aller chahuter les milliardaires.
J’ai mis un gilet rouge brodé de fils d’or, dans ma ceinture de cuir je garde un petit pistolet local. Allons saboter les mines d’aluminium, déranger les millionaires sur Sveti Stefan. La kastradina (plat d’agneau national) nous a rendu fou, et les vins vranac (rouge) nous rendent ivres.
Mon amour, ne regarde pas les danseuses dénudées de l’île. Prend mon pistolet, allons transpercer les dollars qui flambent sur les braséros. Prends ma main, serre moi dans tes bras, soyons les justiciers d’une nuit damnée. Le loup monténégrin nous a prêté son courage pour les heures qui viennent.
La plage privée de sable rose tournoie sous les pas des femmes peroxydées. Aman Sveti (l’un des groupes hôteliers les plus luxueux du monde) n’a qu’à bien se tenir, j’ai un petit pistolet mais le courage du loup ce soir puisque tu es avec moi.
Et si tu retiens ma main avant que je commette l’irréparable, que tu ne me laisse pas devenir une criminelle, je repartirai sans avoir tué de milliardaire mais ton cœur dans ma main. Emmène moi dans la montagne sécher mes mains tremblantes et mouillées de larmes. Emmène moi loin dans tes bras, oublier l’injustice et te faire l’amour cent fois. Les lacs glaciaires accueilleront mon corps brûlant, étends-moi sur la berge et recouvre-moi de ton ombre.