« Je suis le Prezydent (président) de Pologne
Les murs de ma villa ont été repeints en niebielski (bleu)
J’ai joué à la boks (boxe) avec Dieu
Un mecz (match) sans victoire finale
Et les fantômes de Katyn
(assassinat de masse par l’URSS de milliers d’officiers polonais en 1940, ayant pesé longtemps dans les relations entre les deux nations)
Se penchent sur mon bureau en acacia,
Les ombres renversent la table de négociation
La sukienka (robe) de mon amante s’est envolée
Le visage de la corruption
A le sourire d’une belle jeune fille,
Et celui de l’embargo Russe
L’éclat des pommes offertes aux touristes
Et comme des promesses de lendemains qui chantent,
Des rogaliki (croissants) à la bouche
Les jeunes gens s’époumonent devant mes fenêtres
Sous le basen (piscine) de plâtre du ciel »
*_*_*
Entends-tu dans le telewyzor
Le Prezydent de Pologne faire un discours ?
J’admire le ciel sur Nowy Swiat (avenue principale de Varsovie)
Les komar (moustiques) brûlent sous la chaleur d’août
Sommes-nous szalony (fous) sommes-nous ivres ?
Ou des rêveurs d’un monde idealny (idéal) ?
Regarde par ce telewizor (téléviseur) ébréché
Parler le Prezydent de Pologne,
Le monde est encore plus fou que nous !
Les guerres se succèdent aux prières
La musyka (musique) de l’Histoire ne me plait pas,
La zegar (horloge) du réel affiche une heure invisible à nos yeux,
La poésie retient les nuages loin de mon âme
Sa latarka (lampe torche) bat en brèche la nuit
Elle trace un paszport (passeport) de flammes bleues,
Un samolot (avion) de papier brûlé entre nous
Le chodnik (trottoir) de cette ville pâle
Brûle du feu incandescent des songes
Ce szminka (rouge-à-lèvre), j’en ai besoin
Pour dissimuler mon sourire
Je te ferai une pasek (ceinture) de mots obscurs
Je t’écrirai un parasolka (parapluie) d’encre
Pour te protéger des braises qui volent dans le ciel
Mais dwunasta (minuit) sonne
Ma kurtka (veste) sent la fumée
Mon âme est restée accrochée aux pommiers de Varsovie
Et le Prezydent de Pologne parle dans le telewyzor
Mais la poésie n’a pas de couleur politique
Dans Varsovie huilée par les réverbères
Et l’amour est un biznesmen (homme d’affaire) impatient
Qui déchire chaque carton d’invitation
Chaque lettre un peu trop aguicheuse
Et la poésie est un terrain-vague,
Elle est une usine désaffectée
Dans laquelle fument des grappes de jeunes gens
La poésie est une drogue urbaine, une folie
Do widzenia (au-revoir) Prezydent,
Le souffle de la langue polonaise
Restera longtemps dans ma poitrine
Tant que je respirerai, ces syllabes chaufferont le bois de mon âme
Regarde, l’autoroute est en feu
Une apteka (pharmacie) tombe en cendres
La droga (route) de la poésie peut être brûlante,
Les braises constellent la nuit comme des étoiles
Tu sais, j’ai de la menthe pour toi (proverbe : tu me plais)
Si j’arrive après les oiseaux (proverbe : en retard)
Garde-moi une place près de toi
Prenons un verre de thé glacé au bord de la rivière de Varsovie