[Voyageur j’ai discuté avec le vent
Il nous laissera repartir
Si nous lui donnons de l’or
Il est le tunamali (propriétaire) de notre destin
Mishika to waboroko (le chemin est droit)
Peux-tu tenir ma lampe torche
Comme s’il en allait de ta vie ?
Je ne vois plus une âme vivante ici]
Le village abrite une armée de vers luisants ;
Le ciel s’efface sous les assauts de la pluie
J’attends le lever du soleil
A Sainte Rose de Lima — au bord du fleuve Maroni
Déchirons le rideau muet de la pénombre
Avec un yadoala (couteau) poétique
Les eaux boueuses se moquent
De notre lyrisme trempé de désir
L’arhoa (le jaguar) tapi près d’une fougère
Essaie de nous attirer dans son ombre
Le fantôme de Cristophe Colomb
Hante le Rio Dulce qu’il aimait
Survolons l’un des quatre fleuves du Paradis
Partons à la recherche de l’El Dorado
La kathi (lune) rosit et veille sur la forêt
Comme une mère sur son enfant
Les bouteilles de plastique se décomposent
Dans les méandres de l’Orénoque
Une wiwa (étoile) éclatante
Fait un berceau de lumière à nos silhouettes
La fumée du yorhi (tabac)
S’échappe des lèvres d’une vieille femme
Un anorha (héron) gémit
Sous les assauts de la pluie d’est
J’ai abandonné ma peau de serpent
A côté d’un wayarhi (panier de chasseur)
Dis-moi où va ce chemin, Voyageur ?
Il s’enfonce dans le rideau d’arbres
Entends-tu un enfant chanter en arawak ?
Tu vois, cette existence
N’a de sens que dans ce songe
Que nous faisons ensemble
Mais la musique du matin risque de nous réveiller
Sauves-moi de dakonokora (ma forêt) d’illusions
Emmène-moi himedan (pécher) dans le fleuve brun
Des instants au goût de réalité
Allons saluer l’eau brune et tiède
Notre kori (lieu de baignade)
Se drape de lumière ocre
Et le soleil nous fait un plongeoir de lumière
[Voyageur j’ai discuté avec le vent
Il nous laissera repartir
Si nous lui donnons de l’or
Il est le tunamali (propriétaire) de notre destin
Volons au fleuve un peu de son or liquide
De son ikihi (feu) envoûtant —
Tissons une étoffe de lave fluide
Pour nos corps endoloris par la nuit]
J’emmène le nakara (le fardeau) de notre secret
Jusqu’au berges du Maroni
Entends-tu cet enfant chanter en arawak ?
Peux-tu tenir ma lampe torche comme s’il en allait de ta vie ?
Note : L’arawak est une langue amazonienne et des Caraïbes, qui se subdivise en plusieurs variations linguistiques. Les langues arawakiennes ne sont parlées que par quelques milliers de locuteurs.