Au bord du lac de cette ville étrangère,
J’ai pris ma peine comme un rossignol blessé,
Un banc m’attendait enseveli sous les feuilles d’un saule,
J’ai regardé longtemps l’or du soir se diluer dans le lac
Les cygnes s’étiraient comme des danseuses
Et mon ombre a maquillé un temps leurs ébats
Depuis que tu es parti, mes jours ont un goût de cendre,
Chaque éclat de soleil volé à la nuit
Me rappelle notre histoire
Mais déjà ma respiration se fait plus saccadée — Voyageur, quelqu’un vient
C’est un fantôme. Il me dévisage de ses gros yeux rouges.
Je crois qu’il est l’incarnation de ce crépuscule fiévreux
Il m’indique les eaux troubles de ses longs gants noirs
Dois-je à mon tour entrer dans l’eau imperceptible ?
Dois-je céder à la tentation de me baigner dans l’or liquide ?
Voyageur, cent jours se sont écoulés depuis que je t’ai dit que je t’aimais
Je ne suis plus que l’ombre du fantôme de ce lac
L’amour m’a éblouie comme un crépuscule éclatant
Ce fantôme ma chanté une prière
Il m’emmène loin de toi sur une île inaccessible
Une péninsule immergée dans le néant flamboyant
D’où je pourrais te voir caresser chaque matin de ton regard
Et les cygnes se moquent de nous — j’entre à peine dans l’eau
L’or du soir tombe sur mes joues mitraillées par les larmes
Déjà la nuit vient fouetter nos consciences
L’amour n’est pas un jeu, voyageur,
Mais une folie crépusculaire,
C’est ce fantôme qui me l’a appris
Il m’accompagne dans une dernière traversée
Et déjà l’eau recouvre chaque poème
De mon cahier abandonné sur la berge poussiéreuse