Notice pour la lecture : ce poème est un hommage à Faiz Ahmad Faiz, poète pakistanais progressiste parmi les plus connus. Faiz s’est engagé pour les personnes opprimées et a utilisé le pouvoir du langage et du double sens des termes pour propager ses idées. Les mots en gras utilisées dans cette poésie comptent parmi ceux que Faiz utilisait le plus pour leur polysémie.
Il n’est plus l’heure de faire de traits d’esprits, voyageur, le khirad (le savoir/l’establishment) c’est la mort
Dis-moi seulement comment tu vois ces vallées, ces champs, notre avenir
Mes mots font écho au destin, je les ai tracés sur les murs avec un peu de sang
Ne vois-tu pas cet éclat rubis briller derrière mon sourire
Le goût de la liberté s’est emparé de moi, j’étais intoxiquée, obsédée
J’écrivais de ma dar-o-rasan (emprisonnement politique) mais ce temps obscur est terminé, je suis assise dans une gare,
Ces voies ferrées sont les visages froids et enfiévrés de l’Histoire
J’ai perdu mon takhallus (nom de plume) au milieu des espaces vierges
J’ai déchiré des pages encore et encore, des enfants les ont jetées à la face du soleil
Des milliers de sourires tâchés par l’incarnat du sharab (vin / prise de conscience politique), et je fuis
Je ne suis qu’un spectre ; je suis seule, prostrée, et je dissimule mon amour sur ma poitrine lacérée
Je secoue mon ombre sous la pluie battante — comme si la tristesse pouvait se noyer ainsi
J’ai aperçu le visage de mon aashiq (amant / révolutionnaire) un jour d’été,
Il marchait, seul au milieu d’un junoon (folie / désir de justice sociale)
La lumière de la lune éclairait son ishq (amour / ardeur révolutionnaire)
La nuit tressait des rideaux sombres sur notre firaq (séparation / oppression par l’Etat)
Dans un jardin de camélias et de gul (roses / idéal politique), ses mains ont laissé s’envoler un oiseau doyel
Un millier ont suivi dans ce crépuscule incertain, dans cette nuit rind (rebelle)
Une nuit d’horizons blanchis à la lumière de nos espoirs,
Alors que nous brisions le zanjir (chaînes de l’esclavage)
Lorsque viendra le jour de notre visaal (union avec l’être aimée / révolution ou justice sociale)
Les montagne formeront une coupe,
Et perdant mon chemin pour toujours, je boirai leur neige de mes lèvres brûlantes