Dans les jardins les orties, la mousse les lichens roses — la lumière oublie l’hiver
Nous avions pris le train, ce soir-là nos mains gelées bleuissaient
Nous avions accroché à nos masques les voix dispersées des Dieux insupportables ;
Et la lumière à nos pas pressés, cette effroyable lumière, des sentiers trop balisés de clarté envoûtante
C’était une lumière blanche. Elle nous amenait près des sanglots déchirants de l’eau,
Aucun soleil ne vint réchauffer nos idée, mais que a lune était belle !
Son visage riait comme un disque rayé, et j’ai pensé —
A une danse vers l’abîme, j’ai pensé à l’horizon, éclaboussé de soir
Pas à ce ciel splendide, mais aux confins inaccessibles de l’océan,
J’ai pensé à un jardin suspendu par l’espoir, un jardin rempli d’ifs
Le soleil nous ignorait, le monde explosait comme un carton déchiqueté
Et je ramassais les promesses rouges, la plage se couvrait de couleurs — une discothèque où seuls les rêveurs
Auraient pu entrer boire un verre d’absinthe bicarboné de soude
Mais la fenêtre de ma chambre est restée close, et je suis restée immobile,
A contempler ce rêve s’agiter sous le vent. Je suis restée seule dans les foules, sur un rocher invisible
Il y avait une tombe au bout du chemin, et le sable rayonnant des marchands d’âme
Ta voix a jailli sur mes yeux humides. Elle a brûlé comme une langue de feu ma conscience livide
J’ai échangé le sucre de ce monde contre une heure de liberté
Je me suis cachée pour sucer le sang qui coulait de mes cendres
Et j’ai écarté les rideaux qui creusaient déjà nos tombes
Demain, je convaincrai le ciel de nous laisser un peu de sa lumière
Pour y cacher nos doutes, pour y puiser un reflet d’âme,
Et l’encre coulera sur l’eau fraiche des lendemains
Comme une promesse de fleurs d’absinthe