Un klasker bara (un vieux mendiant) est venu toquer à ma fenêtre
L’orage frappait aux portes, les chevaux hennissaient, et mes mains gelaient
Il a craché des volutes rouges et rit, possédé qu’il était par la nuit sans fond
Un feu d’ajonc crépitait. Le vieillard s’est raclé la gorge. Il a chanté :
« Moi qui vis de racines et de baies, j’ai trouvé un sac d’or dans le fossé…
Le cadavre d’un loup gisait devant le village, ses yeux étincellaient encore ».
Voyageur, il pleut, rentrons nous abriter dans le creux d’un dolmen
Les jambes croisées, sur la paille, écoutons l’abbé chanter le Kantik ar Baradoz (Cantique du Paradis)
Un halo de feu fera rougit la chair pale des fées
Nos sourires livides s’attardent sur les ombres des roses
Un escalier disparaît dans des volutes de fumées bleues
Ecoute-moi, ne monte pas ces marches, reste à mes côtés
Laisse-moi te fermer les paupières, voyageur — laisse-moi t’étendre sur la paille humide
L’Ancien Testament s’est effondré en granits de poussière
Les chênes n’ont pas pu fuir. Ils gardent les stigmates de la pluie ;
Le ciel coule comme une fontaine de sel, sur nos yeux déjà irrités par le matin tremblant
L’oiseau envoûté m’a demandé ton nom. Je lui ai dit et il s’est envolé, silencieux
Le reverrai-je jamais ? J’ai suivi la trace sombre de son vol dans les plis roses du crépuscule
Sans-doute a-t-il rejoint l’envers de l’horizon
Vois, l’aurore nous contemple. Elle pose sa main sur le front fiévreux du soleil
La nuit a étouffé nos cris faibles. La forêt saigne encore les herbes crayeuses crépitent
J’ai débité toute une nuit la montagne en pierres de taille
J’ai construit un pont au fil des heures, un pont ensorcelé
Le lierre a scellé le destin de mon ouvrage et j’ai attendu que tu le franchisse,
La femme se coiffe les cheveux à l’ombre d’un platane;
Il y a un étang et la fleur du genêt qui a reçu trop de gouttes d’hydromel
L’eau se trouble d’or blanc. L’océan caresse une chapelle noire qui attend les bateaux