[L’ennui jouait avec un extincteur
Est-ce dans la Plaine que le feu brûle ?
On a retrouvé un scooter à plat ventre
Et les traces de chair d’un adolescent]
J’ai filé comme une lettre dans le vent
En rayant sur mon chemin les fleurs accidentelles
Une liqueur de gazole électrisait l’A41
J’ai dispersé les spores d’un coup de frein
Ici le ciel rosit à l’approche de la nuit
Les autos vidangées par Total
Se ruent dans le rideau d’un avenir fatal
Et les tôles s’adressent à moi dans une langue inerte
[L’ennui jouait avec un extincteur
Est-ce dans la Plaine que le feu brûle ?
On a retrouvé un scooter à plat ventre
Et les traces de chair d’un adolescent]
Il se dresse devant moi comme un ange de pierre :
Le building grandiose aux pupilles de verre
Aplatit la terre de sa stature immense,
Le Carrefour attend sauvagement la nuit
Noyée dans les lacs de dalles, de plexiglas, d’acier
Je n’ai pas touché aux lumières de cette nuit artificielle
Ni aux colliers plaqués d’étiquettes brillantes,
Ni aux tissus froids comme les mains d’une morte
[L’ennui jouait avec un extincteur
Est-ce dans la Plaine que le feu brûle ?
On a retrouvé un scooter à plat ventre
Et les traces de chair d’un adolescent]
Le matin détrempé m’a ramenée en ville
Le samedi plusieurs slogans, un seul parti
Une femme m’a tendu une rose sans feuilles
Lotissements en quadrillages féconds
Salades brillantes comme des zircons
Dans cette banlieue près de Paris
La politique s’allume comme une bougie
A la flamme oblique du profit
[L’ennui jouait avec un extincteur
Est-ce dans la Plaine que le feu brûle ?
On a retrouvé un scooter à plat ventre
Et les traces de chair d’un adolescent]