J’ai remâché longtemps un goût de brûlé
L’évêque de Buxhoevden au long nez
Embrassait du regard la ville de Riga
Le feu s’était déclaré dans l’aciérie rose
Quand les poignards baignaient dans une clarté de lune
Et que nous dansions comme des âmes désunies
Le vent soulevait l’ombre du täm (chêne)
Hantée par le souvenir du glaive, inquiétée par le reflet de la mort
Nous sommes demeurés livides, déjà,
Les ors inondaient le port blême
Les cinq portes de feu s’unissaient les unes aux autres
Comme des bagues désagrégées par la fraicheur du soir
Mon cœur aujourd’hui dénoue ses liens d’un soupir kilma (froid)
Je remercie mes ravisseurs et je m’enfuis
En riant dans les montagnes hurlantes
Suivie par le voile d’un soleil paganõz (païen)
L’Ordre a semé la terreur partout
Mes pieds nus dévalent une colline de sang
Les rouge-gorge sifflent le soleil couchant
Beaucoup d’entre nous ont été massacrés
Les enfants jouent avec des os brisés
Je t’enlacerai d’un sourire d’ärmatõks (de givre)
Dans l’abîme blanc de notre enfer
La Livonie se souvient du fleuve sombre
Du Nord aux courbes denses du Salatsi
J’ai confié mon secret à un nuage
Ton souvenir s’évapore dans le temps incertain
C’est un tango de fumées douces ;
Un regard chevauchant l’impossible —
Un refrain anonyme, un désir vîmi (pluvieux)
C’est un Dieu sage que le soleil fait asseoir
La Baltique buvait un verre de jus de raisin frais
Le soviétisme décorait le ciel de ses mains d’opérette
D’une croix de Malte ouvragée le ciel poudroie
Les oiseaux de mon âme déchirent les nuages noirs
Se un min viga (c’est de ma faute) si tu es loin de moi
Si les océans ont chuté sous nos yeux humides
Ton regard a abîmé mes mains, mon sang
Le vent souffle déjà une mélasse noire de l’ouest,
C’est un võl (sorcier) submergé par le temps
Note : La langue live est une langue minoritaire en Lettonie. On évalue ses locuteurs à 14 locuteurs actifs et une vingtaine de sympathisants.