J’ai traîné ma souffrance au Belize
Un jaguar m’a donné de l’eau
J’ai couvert mes yeux pour ne pas le voir,
Ne pas voir ses yeux que la mort enlise
Mais l’océan l’a avalé sans un mot
Dans une explosion de fumée
Je tremble de froid, le soleil m’a broyé
De son regard acide et sombre
L’Histoire plane sur les yeux des ombres
Laissez-moi traverser l’inframonde
Les neuf niveaux que sondent,
Les seigneurs jaloux de la pénombre
L’herbe de ce pays noir
Prolonge la terre de son éclat matinal
C’est le reflet angoissant du premier soir
Les fumées jaunes de la conquête espagnole
J’ai serré ma croix jusqu’au sang
Les tueries d’or noient le papier de mes songes
J’ai aimé le scintillement étrange
Le gémissement des codex plongés dans l’Océan
Et mon autodafé allume un éclat orange
Dans ce ciel essoré par les anges
Vois ! Tout ce calcaire s’effrite entre mes doigts
Seul le bois de sapotiller me croit
Les manuscrits repliés en accordéons
Le tzeltal, le chol, le tojolabal ; des noms
Sous le ciel du Honduras — calligraphiés
Et la jungle étouffe la pierre ouvragée
La forêt a repris sur le siècle ses droits
Je dévale la pyramide à degrés ;
Ma soutane prend la couleur du ciel qui flamboie
Une langue glyphique inonde ma poitrine chastifiée