L’akàba u di mundu / La fin du monde (Saramaka / Français)

Autour du fleuve Maroni
Un instituteur boit un rhum
Et ses lèvres tremblent de rage
Le vent gonfle ses paupières
Le ciel allume les nuages
Regarde ces flammes blanches
Ces miroirs qui tournoient
Sous le barattage du souffle océanique

J’ai vomi des litres d’encre
Dans cet océan de poussière
L’esclavage revient hanter nos cils mouillés
Les troncs abattus, la brise rose, et akànde (peut-être)
Les pirogues monoxyles
Des motifs graphiques sur les façades
Mes chevilles portent un trait de sang
Les morts reviennent sur une barque blanche
Un incendie couvre le brouillard
De fumées plus noires que la nuit

Nous qui nous ennuyons
Dans les lourdes cités grises
Une pluie de pétrole déversée de nos bouches
Nos cœurs se colmatent et s’oxydent
Plongeons dans l’eau fraiche une dernière fois
Si je pouvais revoir l’agadawéde (hirondelle blanche et bleue des rivières)
Fermer ma mâchoire sur le clair de lune
Réciter un dernier vers en saramaka…

Mais la mort tambourine à la porte de mon condo
Elle agite son drap tâché de peur
Ses plumes gris argentées
Et rit, dans l’obscurité, et se cache
Comme le reflet d’une once
Elle attend que chutent les heures
Dans le fleuve du pressentiment
L’akàba u di mundu (la fin du monde)
Et l’eau se referme sur moi
A mesure que ma barque fend les flammes bleues

Sur ton visage revoir une dernière fois
L’éclat blanc du bonheur et cet amindoli (fossette)
Mon hameçon a heurté un glaçon
Et le corps désossé d’une adingô (crevette)
Le rhum coule dans les crevasses ferreuses
Je revois dans l’ombre du palmier awara
Un frère et une sœurs assis sur un rocher
Nous avons épié la danse des oiseaux
Nous avons brandi nos lance-pierres
Le serpent sindéki agite des feuilles d’or vert
Sur la piste d’atterrissage,
On brûle un créole anglicisé
Une langue pourtant a-suti (c’est joli)
Déjà les bananes fleurissent,

Dans la région de Paramaribo
Autour du fleuve Maroni
Un instituteur boit un rhum
Et ses lèvres tremblent de rage
Le vent gonfle ses paupières
Le ciel allume les nuages
Regarde ces flammes blanches
Ces miroirs qui tournoient
Sous le barattage du souffle océanique


Note : Le saramaka est un créole à base lexicale anglo-portugaise, parlé autour du fleuve Maroni, en Guyane française et dans le Surinam. La langue compte environ 50 000 locuteurs.

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