Papa, tunaenda wapi ? (où allons-nous ?)
Papa, la voiture tremble,
J’ai peur, quand est-ce qu’on mange ?
Il y a un malaika (un ange)
Près d’un container d’essence
La nuit fracasse la lumière
Papa, tafadhali (S’il te plait)
Les étoiles ont abandonné la chaussée
Elle reviendra je te le promets
Entends-tu l’ange
Sur la banquette arrière ?
Il chante et j’ai peur
Papa, msaada (à l’aide)
Les yeux de l’ange sont un volcan de brume
Ils enserrent ma conscience floue
Mais la voiture a pilé devant l’entreprise
Aux tourelles fuligineuses
Du gaz s’échappe des vitres obtuses
Et mon père marche devant moi —
Papa, raccompagnons la nuit,
Elle aussi elle tremble de froid
Papa, simama (stop)
Mes yeux plissés d’obscurité fatiguent
L’eau étrangle mes chaussettes,
Mais mon père me lance un tournevis
Et empoigne des nasses d’acier
Il abrutit avec sa hache
Le crâne lisse des machines démentes
Mais le matin va nous condamner
Et l’ange tapote mon épaule
Papa habari gani ? (ça va ?)
Nous sortons sur le parking désert
Il enfourne des bidons d’essence
Et jette la tôle et le zinc ondulé
Sur la banquette arrière,
L’ange pleure dans ma main
Et nous roulons sans nous retourner
Le visage de ma mère est resté accroché
Au papier de sang du matin